Informations complémentaires
Format | 16,5 x 23 |
---|---|
ISBN | 9782356879417 |
Pages | 260 |
20.00€
Chacun connaît cette scène originaire qui ouvre la seconde partie du célèbre Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes de Jean-Jacques Rousseau : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne. »
Dénonçant le « Ceci est à moi » du premier planteur de pieux, Rousseau dessinait, en creux, la société telle qu’elle devrait être : « Ceci est à nous. » Il nous rappelait ainsi, à travers cette fable, combien l’histoire humaine est contingente et ouverte à d’autres possibles. Parmi ces possibles s’affirme aujourd’hui un nouveau paradigme au sein duquel cherchent à se penser une démocratisation de la société et un dépassement des désordres et des hiérarchies imposés par le capitalisme : le paradigme des « communs ».
Les communs désignent une forme immémoriale de conception de la propriété, largement répandue, notamment jusqu’à la fin du Moyen Âge, lorsque, dans les campagnes, l’organisation coutumière des usages de la nature – pâturages, étangs, forêts – primait sur la notion de propriété. L’histoire rejoignant la fable, ces modes d’accès aux ressources déclinèrent à mesure que s’imposèrent les fameuses « enclosures » décrites par Marx, ces « décrets d’expropriation du peuple » au moyen desquels « les propriétaires fonciers se font eux-mêmes cadeau des biens communaux ».
Face à l’hégémonie du régime propriétariste, radicalisée par les nouvelles enclosures promues par les politiques de privatisation et de marchandisation néo-libérales, l’originalité du paradigme du commun est de dépasser les dichotomies classiques opposant propriété privée et propriété publique, régulation marchande ou étatique, ainsi que les formes de domination qui résultent de l’appropriation des ressources naturelles et des moyens de production. Comme le montrent de multiples expériences contemporaines, et notamment les travaux du prix Nobel d’économie, Elinor Orstrom, partout dans le monde, des communautés sont capables d’organiser durablement des « règles d’usage » afin de garantir à la fois la survie des habitants et la préservation d’un réservoir de ressources pour les générations suivantes.
C’est ce paradigme alternatif et ces expériences foisonnantes que ce numéro propose d’interroger, tant pour en souligner la richesse que les conflits qu’ils suscitent. En effet, très polysémiques, le ou les « communs » constituent l’un de ces concepts essentiellement contestés dont le milieu militant s’est saisi comme d’une bannière pour des initiatives diverses et, parfois, divergentes, et dont les chercheurs tentent de délimiter les contours dans les domaines économique, juridique, politique, anthropologique et philosophique. Qu’il s’agisse des communs numériques, environnementaux, urbains mais aussi des communs politiques ou de la redéfinition de la notion même d’entreprise, l’espace de débat et de controverses qu’ouvre ce numéro se veut résolument pluraliste, comme les formes, plurielles, de propriété qu’appelle une démocratie radicale.
Philippe Chanial, Pierre Cretois, Édouard Jourdain – Présentation
Pierre Dardot, Christian Laval – Pour une cosmopolitique des communs
Édouard Jourdain – Au-delà du marché et de l’État ? Elinor Ostrom et l’institution des communs
Pierre Cretois – La copossession du monde
Laurence Kaufmann – La quadrature du cercle. Commun, communauté et immunité
Entretien avec Michel Bauwens, Recueilli par Pierre Cretois – La pulsation des communs
Marion Fourcade, Daniel N. Kluttz – Un « marchandage » maussien ? L’accumulation par le don dans l’économie numérique
Dave Elder-Vass – Commerce, communauté et dons numériques
Serge Latouche – Communs, bien commun et décroissance
Harry Walker – Une égalité sans équivalence. Pour une anthropologie du commun
Thomas Perroud – Les biens communs naturels et la reconceptualisation des propriétés
Pierre-Yves Cadalen – Détruire les communs environnementaux ou dépasser le système-monde ? Pour un matérialisme du mouvement
Alexandre Monnin – Capitalisme de la fermeture et communs négatifs
Jean-François Draperi – L’associatisme médiéval au-delà des enclosures. À l’origine des communs, des collectivités territoriales et de l’ESS
Alice Ingold – Désenclaver l’histoire des Communs de l’histoire de l’État des Modernes. Associations syndicales de propriétaires entre « droit social » et « domestication administrative »
Benoît Borrits – Entre marché et État, la Sécurité sociale, un commun inachevé
Daniela Festa – La ville entre innovation sociale et « communification »
Pierre Sauvêtre – Governing for the commons. Les communs, l’État et le gouvernement de moindre souveraineté
Guillaume Le Blanc – Utopies sobres. La politique des communs des éprouvés
Paulo Henrique Martins, Traduit par Philippe Chanial – Sortir du « bassin des âmes ». Le Brésil face au néolibéralisme et au radicalisme de droite
François Bordes – Hormis le territoire. Sur Les Ombres opposées de Nicolas Cavaillès
Jean-Marc Ghitti – Paul Valéry. Au-delà de la poésie : la poétique
Christophe Petit – Quand le travail de prédation tue le travail de production
Frédéric Vanderberghe – Le corps-continent. Hommage à David Le Breton
Baptiste Rappin – La Responsabilité sociale de l’entreprise à l’aune de l’histoire de la propriété. Une analyse à partir de l’œuvre de Michel Freitag
François Provenzano – Le Parrain : sociologie du don, rhétorique du Don et ethnographie du migrant
J. Anselmini, A. Caillé, Philippe Chanial, E. Conesa, Pierre Cretois, Édouard Jourdain, S. Pasquier, F. Robertson, F. Villain-Carapella – Bibliothèque
Format | 16,5 x 23 |
---|---|
ISBN | 9782356879417 |
Pages | 260 |