L’Étonnant Pouvoir Intérieur. Pour Une Métaphysique Du Sujet
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Le présent travail a comme origine une expérience à la fois bien concrète, c’est-à-dire individuelle, sensible et affective, et en même temps fort banale en raison de son universalité : la solitude.
Je ne songe pas à cette espèce de solitude qu’est l’isolement médiatique dû à la faible diffusion, à la modeste réception d’une œuvre faite de nombreux livres. La « notoriété », simple valeur honorifique, ne saurait être par elle-même une valeur digne d’intérêt puisqu’elle ne concerne que des individus, individus considérés seulement dans leur « amour propre », cette libre attitude si détestable, si égocentrique et donc si peu apte à fonder quelque éthique que ce soit.
La solitude à laquelle je songe est ce sentiment d’isolement et de séparation qui peut survenir en chacun à l’occasion d’une épreuve douloureuse qui ne pourrait être partagée, ou d’une situation sociale de crise ou de conflit, ou bien encore de heurt des « identités ».
Cette solitude, que j’ai parfois vécue (comme beaucoup d’autres) avec une grande intensité, était « sociale », mais comportait des strates implicites de nature affective : solitude dans les relations sociales, face, par exemple, à l’indifférence profonde de mes contemporains à l’égard d’événements dramatiques survenus en des régions lointaines et me concernant au plus profond de moi-même ; solitude parfois aggravée et soulignée par une séparation affective, une divergence existentielle au cœur même de la relation. Cette double solitude a motivé en moi un redoublement, une focalisation particulière de la conscience de moi-même. J’en vins à me demander quels moyens étaient à ma disposition pour surmonter cette « crise » de la relation.
C’est dire que, en fait, je m’interrogeais sur la question de savoir quel était le pouvoir de ma liberté dans la conduite de ma vie lorsque s’exprimait en moi un tel sentiment de séparation. Mais, « ma liberté », je savais bien qu’elle était moi-même. Je me demandais en fait : « Quel est mon pouvoir » ? Que puis-je faire face à une crise ? »
J’avais certes déjà beaucoup réfléchi sur la liberté et ses deux niveaux, j’avais bien examiné et pratiqué l’acte de conversion ; mais je constatais aussi que je ne comprenais pas toujours comment ni pourquoi je parvenais malgré tout à vaincre les difficultés, ni comment ni pourquoi je parvenais à franchir des obstacles apparemment insurmontables. Si bien que j’en vins à me poser la question suivante : « Au cœur de ma solitude de fait, moi qui suis moi, ai-je le pouvoir, ai-je un pouvoir de reprendre ma route sur le chemin de l’accomplissement ? » Et, en posant la question de mon pouvoir, n’est-ce pas aussi la question du pouvoir de l’humanité qui est posée par l’humanité elle-même, même si, toujours c’est le sujet singulier qui interroge et qui, parfois, s’étonne ?
• Philosophe, Robert Misrahi est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages, notamment Intensités. Lumières sur les petits bonheurs de la vie quotidienne et des loisirs (Le Bord de L’eau, 2016), Ma Philosophie (Le Bord de l’eau, 2018), Plaidoyer pour un autre bonheur (Le Bord de L’eau, 2019). Il est aussi un grand spécialiste français de Spinoza.
En librairie en septembre 2020