Didier MARTZ (sous dir.)

Alzheimer : Vous Avez Dit Démence ?

14.00

Ce livre part d’un constat largement connu maintenant mais dont la mesure ne semble pas être prise : le vieillissement de la population, donc une population plus fragile, une population plus exposée à des maladies diverses, en particulier à la maladie d’Alzheimer. Des progrès sont faits dans le traitement de cette maladie dans la prise en charge des malades et la recherche avance à grands pas. Toutes choses qui suscitent des espoirs pour les patients, les familles, les personnels soignants et qui laissent penser à une amélioration au moins partielle à terme.
Mais aujourd’hui, et sans doute pour longtemps encore, les mêmes patients, familles et personnels soignants sont démunis pour des raisons qui touchent à des problèmes d’ordre économique, financier, social, sanitaire et identitaire. La maladie fait irruption alors que personne n’est préparée à la prise en compte d’un événement pathologique pas tout à fait comme les autres. Chacun invente au quotidien, (au moins pour ceux qui font face concrètement aux situations) des réponses plus ou moins adaptées. Mais avec, en arrière-fond, une question lancinante qui traverse explicitement ou implicitement toutes les prises de position et les actes : qu’en est-il de celle ou de celui qui était là avec toutes ses qualités de femme ou d’homme et qui ne les a plus ? Qu’en est-il de la personne ou du sujet ? Quel statut pour la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer et dont on voit progressivement disparaître ce qui la caractérisait comme sujet ? Et plus loin encore : de quelle humanité s’agit-il ?
Il peut sembler extravagant, voire immoral, de poser encore cette question à l’heure où l’intégration de toutes les formes de marginalité est à l’ordre du jour et où, sans cesse, est réaffirmée l’appartenance à la communauté des hommes – ceux qu’on pouvait considérer, il n’y a pas si longtemps encore, comme « a-normaux ». Et pourtant, dans le temps même où se multiplient les discours intégrateurs, se développent également des pratiques de marginalisation et d’exclusion. Les discours ont la vertu de faire « bouger le réel ». Ils ont aussi un vice : celui de maintenir les situations en l’état.
De plus, l’histoire a ses fragilités et ses contradictions. Elle l’a prouvé dans maints domaines. Loin d’offrir des processus univoques et idylliques, elle s’emploie à produire en même temps que ses positivités, ses propres négations. Loin de réduire l’écart, elle le maintient en dépit de son « bon vouloir. »
C’est sans doute là une des raisons à la surdose éthique actuelle : prévenir – ou se prémunir – par une « hyperéthique ». Les manquements de l’histoire conduisent, quand les conjonctures se désolent, à la désocialisation, à la marginalisation, à l’exclusion, voire à l’extermination, même si les enseignements semblent toujours tirés et les leçons apprises. Comme s’il fallait plus que jamais redoubler d’efforts devant le risque de marginalisation d’une population fragilisée. La promotion récente au statut de sujet des individus « de couleur », des « primitifs », des « fous », des « handicapés », bref de toutes les formes de marginalité et d’altérité, s’est faite au forceps. N’oublions pas que la constitution du sujet occidental, comme sujet de raison, repose sur un rejet : celui de la différence, de l’étrangeté, de la monstruosité ; la folie et ses variantes n’en étant qu’une infime partie. La chose est toujours loin d’être gagnée, et l’enfer toujours pavé de bonnes intentions.
Aussi, loin de se laisser bercer par l’idéologie naïve des  » lendemains qui chantent  » qui gomme les peurs et les angoisses, la question du sujet se pose à nouveau et tout particulièrement avec le développement de différentes formes de démence.
C’est cette question que nous avons voulu reprendre dans ses fondements en convoquant à la table des points de vue différents : juridique, psychologique, médical, éthique, philosophique et des témoignages comme nous l’avions fait dans le livre précédent Vous avez dit euthanasie ? Différences, parfois divergences, nécessaires compte tenu de la complexité d’une telle question.
Aussi fallait-il d’abord reprendre les choses dans leurs évidences. Les débusquer lorsqu’elles sont prises dans les rets du langage (« La ronde des mots ») ou dans la complexité des situations, là où elles ne peuvent plus se penser (« Coup de tonnerre » et « Si loin, si proche… ») ; aller les chercher dans leur histoire, là où elles deviennent ce qu’elles sont aujourd’hui : des obstacles à la prise de conscience. Ainsi en est-il de la notion de démence et de son lent passage à la notion de maladie (« De la folie à la démence »).
Aussi fallait-il partir de l’évidence des choses : il y a toujours de l’humain dès lors qu’il y a de l’homme – encore faut-il en faire le pari ( » Dieu des âmes perdues « ) et en garantir le statut par une démarche éthique rigoureuse ( » Éthique et démence « ).
La question du sujet demeure cependant. Peut-on encore parler de sujet quand on se substitue à lui, agit et… pense pour lui ( » Démence et droit des personnes ») ? Peut-on parler encore de sujet quand il ne reste rien ou si peu des qualités qui le caractérisent ? La question du « reste » est omniprésente dans toute la littérature. Elle est travaillée ici par le philosophe (« Que reste-t-il quand on a tout perdu ? ») et le juriste confronté à son corollaire, la responsabilité (« Protégez-nous du droit »).

Informations complémentaires

ISBN

2-915651-26-4

Pages

140

Format

12×19

UGS : 80ca37dcbd3e Thème : Collection :